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Agriculture familiale :main d'oeuvre en perdition, jeunesse au chômage

                                                 Par Fatouma Ouattara

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Alors que la jeunesse burkinabè est frappée de plein fouet par le chômage, l’agriculture fait face à la perdition de main d’œuvre.
Pendant ce temps, les agro économistes africains tentent de convaincre les décideurs que la solution au chômage des jeunes scolarisés pourrait se trouver dans l’agriculture et l’élevage modernes.

 

Jules ZONGO, a tout plaqué après sa terminale à Ouagadougou, pour se consacrer à l’agriculture, au moment où la plupart des jeunes burkinabè rêvent de travailler dans un bureau. C’est ainsi qu’après deux années de formation agricole, il s’installe à Fada  où il exploite plus de 8 hectares de terres pour produire principalement des cultures vivrières. Des jeunes comme jules Zongo, il n’y en a pas beaucoup. L’agriculture ne fait pas parti du projet d’avenir de la plupart des jeunes burkinabè notamment les diplômés des universités. Retourner à la terre après des études, serait synonyme d’échec. Madou Traoré, que nous avons rencontré à l’Université de Ouagadougou fait partie de ces derniers. Diplômé en Economie et gestion, il peine à trouver de l’emploi depuis 5 ans. Mais pour lui, pas question de repartir au village pour cultiver. « Toutes ces années de sacrifice pour avoir une maîtrise  n’auront servi à rien», répond-il. N’ayant pas eu la chance cette année, il compte, comme bien d’autres, attendre encore l’année prochaine, ou alors chaque année, s’il le faut, pour essayer d’intégrer la fonction publique. Pour Nouhoun Koné, président de l’amicale des étudiants pour l’emploi et la formation, cet état d’esprit des jeunes est la résultante d’une politique de formation qui ne répond pas aux besoins de l’emploi. « Tant que la formation des jeunes ne sera pas tourner vers la demande, les diplômés des universités viendront grossir le nombre de chômeurs », a-t-il souligné.

Ce désintérêt des jeunes pour l’agriculture n’est pas l’apanage des seuls diplômés. De plus en plus de jeunes ruraux  abandonnent les exploitations familiales, soit pour chercher des emplois non-agricoles en ville soit pour aller sur les sites d’orpaillage.

Sibiri Son, ex-conseiller municipal et cultivateur à Toumousseni à quelques kilomètre de Banfora dans les Cascades, assiste impuissant à l’envahissement d’une bonne partie de son champs par les mauvaises herbes, faute de main d’œuvre. « Avant nous avions des jeunes saisonniers qui venait du Sud-Ouest et du Nord pour nous aider. Mais maintenant ils préfèrent tous aller sur les sites aurifères. Par conséquent je suis obligé d’utiliser des quantités énormes d’herbicides qui me coûtent chères »

Selon le coordonnateur de l’Association Zood Nooma pour le développement de Kongoussi, Barthélémy Sawadogo, l’orpaillage constitue une menace sérieuse pour les exploitations familiales. Dans le cadre de la mise en œuvre d’un projet d’irrigation de complément avec l’institut 2ie, il dit avoir constaté que trouver des bras valides pour construire les bassins de collecte d’eau de pluie relevait d’un parcours de combattant.

Au regard l’évolution des économies africaines où les entreprises capables d’embaucher en masse se font rares, les spécialistes comme Thomas Jayne, professeur au département de l'Agriculture, de l'Alimentation, et des Ressources économiques à l'Université d'État du Michigan, et membre éminent de l'Association africaine des agroéconomistes, pensent que le seul secteur à même de réduire considérablement le déficit d’emploi et de façon durable, à l’heure actuelle, semble être l’agriculture. C’est ainsi que dans un rapport publié                                                                                                                                                                                                           en aout dernier, il attire l’attention des décideurs sur le fait que plus de 350 millions de jeunes se joindront à la population active au cours des 20 prochaines années en Afrique Sub-saharienne et que même dans les projections les plus optimistes, seulement la moitié d'entre eux sera absorbé par des emplois non agricoles. .
En clair, l'agriculture devra employer au moins un tiers des jeunes africains aspirant à un emploi d’ici à 2025.

Pour les experts du monde agricole, ceci représente une extraordinaire opportunité d’absorption du chômage des jeunes qu’il ne faut surtout pas manquer. D’où la nécessité d’encourager des politiques incitants les jeunes à se positionner à tous les niveaux de la chaîne de valeur du secteur agricole.« Il n’y aura pas de révolution verte sans les jeunes », a prévenu, Strive Masiyiwa, le président du Conseil d’administration de  l'Alliance pour une révolution verte en Afrique(AGRA) à l’occasion du forum de l’AGRA, qui s’est tenu à Addis-Abeba, en Ethiopie au début de ce mois de septembre.

                                    « On ne mange pas l’or »

. Selon les statistiques du ministère en charge de l’Agriculture et de la Sécurité alimentaire, le Burkina Faso dispose d’environ 9 millions d’hectares de terres cultivables dont seulement un tiers des terres sont exploitées. Le Potentiel en terres irrigables  est quant à lui estimé à 233.500 hectares sur 26.758 hectares aménagés. Par ailleurs, du fait du boum démographique, les besoins en produits agricoles  croissent d’année en année.

C’est déplorable que dans un tel contexte, affirme Ousmane Tiendrébéogo, le secrétaire générale du Syndicat national des travailleurs de l’agropastoral,  que le chômage gagne du terrain chaque jour pendant que l’agriculture souffre paradoxalement d’un manque criard de main d’œuvre. Pour lui, le gouvernement doit vite trouver une solution pour mettre fin à la désertion des jeunes aux niveaux des exploitations familiales .Dans la mesure ou on ne mange pas l’or, son exploitation devrait être canalisé pour ne pas mettre en péril la sécurité alimentaire.

Pour Ousmane Tiendrébéogo, la solution d’urgence est de travailler à moderniser les exploitations familiales à travers des financements conséquents et des formations ciblées.

Dans cette même lancée, Jules Zongo soutient que pour les jeunes puissent s’intéresser à l’agriculture, il faut qu’ils voient devant eux, les perspectives d’une vie meilleure dans leur village. Cela suppose qu’ils puissent avoir une certaine autonomie, c’est- à-dire exploiter un lopin de terre qui leur permette d’acquérir des biens matériels qui attirent les jeunes en ville. Au-delà des contraintes liées à l’accès à la terre, aux conflits d’intérêts, il précise que la «formation est essentielle si on veut attirer beaucoup de jeunes dans le secteur agricole. « Ceux qui reçoivent une bonne formation sur la gestion d’une exploitation agricole savent qu’il est possible de réussir dans l’agriculture. Ils sont plus enclins à s’installer en milieu rurales », a-t-il noté. Et de conclure en disant que la formation des jeunes est primordiale si l’on veut moderniser les exploitations familiales car dit-il chaque jeune formé contribue d’une manière ou d’une autre à semer la graine du changement et de l’innovation dans son milieu..



01/10/2014
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